L’Espagne

L’Espagne, l’âge d’or de la peinture baroque

En dépit de la récession politique et économique qui frappa le XVIIe siècle, l’Espagne connut son âge d’or (« Siglo de Oro »). À cette époque, Madrid est le centre le plus important de toute la péninsule. Son hégémonie indéniable y comprit sur le plan artistique, provient du transfert de la Cour, qui s’y installa en 1561. Le roi Philippe IV fut un important mécène, un grand collectionneur et le protecteur de nombreux artistes. La cour de Madrid peut se prévaloir de très grands artistes, représentants du « Siglo de Oro », parmi lesquels il suffit de citer le nom de Diego Velázquez. Dans le même temps, elle a reçu la visite des maîtres étrangers comme le Flamand Rubens, ou l’Italien Luca Giordano. La présence de la cour attira architectes, sculpteurs et peintres, porteurs d’un style qui influença fortement le goût des autres centres urbains. Les artistes italiens (Federico Zuccaro, Luca Cambiaso) du chantier décoratif de l’Escorial contribuèrent beaucoup au développent d’un langage rigoureux, vraisemblable et immédiatement sensible. Le courant caravagesque est rapidement représenté dans la péninsule par quelques disciples, mais le « ténébrisme » espagnol sembla aussi sensible aux jeux de lumière des Bassano, dont les œuvres sont collectionnées. Dès le tournant du siècle, les natures mortes révèlent cette discrète sublimation des objets les plus humbles que l’on retrouve chez le jeune Velázquez et chez Zurbarán, lequel leur donne souvent une portée symbolique. L’œuvre de Murillo est particulièrement caractéristique de la manière dont des influences bien assimilées purent transformer une carrière qui démarrait dans un ténébrisme tardif. Le grand style décoratif italien pénètre en Espagne, bien avant le séjour de Luca Giordano, grâce à Francisco Herrera le Jeune, qui, vers 1650, rapporte d’Italie le goût des compositions mouvementées, mêlant ciel et terre dans une nouée d’angelots. Malgré des conditions économiques désastreuses réservant les commandes picturales à l’Église et à la grande aristocratie, le XVIIe siècle est justement considéré comme le Siècle d’or de la peinture espagnole, prolongeant le Siècle d’or littéraire.

La Légende d'Arachné, Diego Velázquez
La Légende d’Arachné ou Les Fileuses, vers 1657, Diego Velázquez
(Madrid, Musée du Prado)

Au fond, on distingue Minerve casquée frappant d’un fuseau Arachné qui l’a défiée dans l’art du tissage. Celle-ci, d’après les « Métamorphoses » d’Ovide, est transformée en araignée par la déesse. Trois femmes de la cour semblent assister à cette scène mythologique. La manière dont celle qui est située à droite fixe les spectateurs est typiquement baroque. Tout au fond, est représentée une tapisserie exécutée d’après une copie de Titien par Rubens (L’Enlèvement d’Europe), présente au palais. La femme qui tire le rideau dévoile une nouvelle scène, qui semble introduire le thème du « tableau dans le tableau » souvent traité par les artistes flamands. Il fut adopté par la suite, et très pratiqué par les Espagnols du siècle d’or.

Velázquez, peintre des peintres

Les œuvres de Velázquez « peintre des peintres » selon Manet sont fondamentales dans l’histoire de l’art européen. Diego Rodriguez de Silva y Velázquez (Séville 1599 – Madrid 1660), il entra en 1610 dans l’atelier de Francisco Pacheco, où il resta jusqu’en 1617, date à laquelle il commença son activité indépendante. Séville, était alors à son apogée. Tête de pont vers l’empire américain, elle abritait un milieu artistique et humaniste. Velázquez reçoit donc de solides bases tant pratiques que théoriques. Son goût pour le travail après nature avec une prédilection pour les scènes de la vie populaire l’éloigne du « romanisme » ambiant et l’oriente vers les modèles flamands ou ténébristes qui se manifeste dans ses premières œuvres, comme Le Christ chez Marthe ou Le Porteur d’eau, dans le contraste très marqué des ombres et des lumières et la ferme plasticité des figures. Après un premier voyage à Madrid en 1622, destiné surtout à l’étude des peintures de l’Escurial – chantier capital à l’époque pour la formation des artistes – et probablement aussi à celle des œuvres de Greco, il reçoit l’un des titres de Peintre du roi en octobre 1623 et commence aussitôt une série de portraits du roi et de son ministre le très puisant comte d’Olivares.

Le Christ chez Marthe, 1618, Diego Velázquez
Le Christ chez Marthe, 1618, Diego Velázquez (Londres, National Gallery)

L’art espagnol du XVIIe siècle adhère avec enthousiasme au ténébrisme, à l’utilisation intense du clair-obscur qui fait ressortir d’un fond indéfini des personnages baignés de lumière. Dans la peinture de genre, à travers du naturalisme, se représentent les gestes les plus simples de la vie quotidienne. Sur le mur, un cadre introduit un plan supplémentaire à l’intérieur de la composition. Il évoque un miroir reflétant une image, qui ainsi devient plus proche de l’observateur. La scène évangélique du Christ dans la maison de Marthe et Marie, reléguée au second plan, selon l’intention du peintre, attribue une signification morale à la scène de genre du premier plan.

Établi à Madrid, Velázquez connu alors un succès grandissant, atteignant en peu de temps, une position de suprématie indiscutable sur les peintres de la génération précédente : il transforma de façon radicale le goût artistique de la cour espagnole. Dans les portraits de Philippe IV et d’autres personnages de cour, peints entre 1624 et 1628, dans des tonalités de brun et de gris très raffinées, un style noble et monumental semble atténuer le réalisme impétueux des œuvres de jeunesse, qui se trouve en revanche dans des œuvres comme la parodie très animée des Buveurs dite aussi Le Triomphe de Bacchus. Il s’agit de la première scène importante de caractère mythologique peinte par Velázquez, pendant le séjour de Rubens à la cour de Madrid, avec qui, probablement, le peintre avait partagé l’atelier.

Philippe IV en armure, Diego Velazquez
Philippe IV en armure, vers 1628,
Diego Velázquez (Madrid, Musée du Prado)

La richesse des collections royales, notamment en œuvres de Titien, et le séjour de Rubens à la cour lui ont permis une première formation en Italie (1629-1631) où il a peint La Forge de Vulcain qui est le prélude à l’extraordinaire liberté chromatique des toiles du Prado peintes entre 1630 et 1640 : La Reddition de Breda ; portraits royaux exécutés pour la Torre de la Parada et pour les salon des Royaumes au Buen Retiro ; images de nains et de bouffons de cour, œuvres caractérisées par une expression inquiétante qui marquent un des moments les plus représentatifs de « naturalisme impassible » de Velázquez. Dans Mars (1640-1642), la posture du dieu de la guerre est le résultat de l’observation et de l’étude des sculptures antiques pendant le séjour du peintre en Italie, mais la représentation du mythe n’a rien à voir avec le dieu de l’Olympe, qui apparaît comme fatigué et soucieux. Dans ce cas, Velázquez suit la tendance de la « désacralisation » du mythe, image fabriquée par les écrivains de son temps, Góngora, Lope de Vega ou Cervantes.

La Forge de Vulcain, 1630, Diego Velázquez
La Forge de Vulcain, 1630, Diego Velázquez (Madrid, Musée du Prado)

Peinte pendant son séjour en Italie, il s’agit d’une des œuvres les plus italianisantes exécutées jusqu’alors par l’artiste où il affirme l’éclaircissement de sa palette, la maîtrise de l’espace et du nu, suivant la leçon de l’Antiquité, et son intérêt par le traitement contemporain des « affetti » (des effets), données qui n’étouffent pas son goût pour la réalité.

La Forge de Vulcain, 1630, Diego Velázquez, détails

Coiffé d’une couronne de laurier le dieu Apollon entre dans la forge pour avertir Vulcain que sa femme, Vénus, déesse de la beauté, a une affaire d’adultère avec Mars, dieu de la guerre. Le poète latin Horace évoque dans ses « Odes » l’assimilation du dieu forgeron grec au dieu des Volcans qui, pour les Romains, travaillait à ses forges éternelles dans les entrailles de l’Etna, où il produisait notamment les foudres de Jupiter. Les moindres manifestations éruptives étaient interprétées comme de coups de sang de l’ardent Vulcain, réputé pour son caractère bouillant, voire irascible.

Le prince Balthazar à cheval, 1635-1636, Diego Velázquez
Le prince Balthazar Charles à cheval, 1635-1636, Diego Velázquez, (Madrid, Musée du Prado)

Le petit Balthazar a les honneurs de ce charmant portrait équestre, réalisé avec l’idée d’exprimer l’assurance de la succession, entre les personnages portraiturés pour la décoration du salon des Royaumes du palais du Buen Retiro, à côté des portraits des grands-parents et des parents. La succession ne passera pas au petit prince qui, d’une santé fragile, il mourra peu de temps après. L’enfant est représenté à l’âge de cinq ans avec une expression mélancolique, pendant une cavalcade au galop dans la Sierra du Guadarrama, que l’on reconnaît par les montagnes enneigées à l’arrière-plan. Sont admirables les approximations chromatiques comme la délicate tonalité rose du bandeau ondoyant de l’enfant ou le bleu du ciel animé par des nuages.

La Reddition de Breda, vers 1635, Diego Velázquez
La Reddition de Breda (Les Lances), vers 1635, Diego Velázquez
(Madrid, Musée du Prado)

La peinture montre la remise, par Justinus de Nassau, des clés de Breda au général espagnol le marquis Ambrogio Spinola. Cette importante ville forte avait été assiégée pendant de longs mois dans le cadre de la guerre entre l’Espagne et les Pays-Bas, la capitulation des Néerlandais survint en 1623. Velázquez représente au premier plan le moment dramatique de la reddition. Justinus (à gauche) se soumet littéralement à son vainqueur Spinola, qui, avec une expression bienveillante, pose la main sur son épaule. Les officiers espagnols vainqueurs ont enlevé son couvre-chef pour ce moment solennel ; derrière eux, leurs soldats lèvent fièrement leurs nombreuses lances, qui créent une illusion de puissance et de discipline.

La Reddition de Breda, Diego Velázquez, détails

La composition est à la fois symétrique et non symétrique : à gauche les soldats hollandais vaincus et résignés, avec seulement quelques hallebardes (et de minuscules drapeaux orange) et derrière eux un impressionnant panache de fumée et la ville de Breda. On console le jeune homme à la chemise blanche. Les deux chevaux jouent un rôle important dans l’agencement de la toile. À l’extrême droite, le portrait de Velázquez (en détail) qui s’est représenté dans le tableau.

En février 1649, Velázquez fur chargé par la cour de Madrid d’acquérir des œuvres d’art italiennes pour les collections royales. Il resta plus de deux ans en Italie et séjourna longtemps à Venise et à Rome ; il peignit alors quelques-unes de ses plus grandes œuvres enrichies par cette nouvelle rencontre avec la peinture vénitienne du Cinquecento ; celles-ci sont marquées en effet par de superbes inventions chromatiques et par une audace et liberté d’exécution surprenantes : Vénus au miroir, les portraits de Juan de Pareja et du pape Innocent X ainsi que les deux paysages de la Villa Médicis. À cette même ligne appartiennent les tableaux des dernières années, après le retour de l’artiste à Madrid, en particulier les très beaux portraits de l’Infante Marie-Thérèse, de l’Infante Marguerite et du Prince Felipe Prospero et les deux grandes toiles qui sont considérées comme le sommet de l’art de Velázquez : Les Ménines et La Légende d’Arachné ou Les Fileuses.

Vénus au miroir, 1650, Diego Velázquez
Vénus au miroir, 1650, Diego Velázquez (Londres, National Gallery)

Il s’agit d’un superbe témoignage du maître dans le seul thème mythologique qu’il peint entre 1640 et 1650 ; on ne sait pas si le tableau fut réalisé en Espagne où le nu était prohibé, ou en Italie pour un client espagnol. Il reprend le motif du reflet dans un miroir, très présent dans la peinture italienne et flamande du XVIe siècle, qu’il décide de le rendre confus et flou, démontrant un plus grand intérêt pour l’idéal de beauté féminine que pour la femme représentée. La clé de la lecture mythologique du tableau se trouve dans le fond : le petit cupidon ne soutient pas le miroir, il y dépose ses mains croisées et attachées avec un ruban, signe de soumission volontaire à l’amour et à la beauté de la déesse.

Les représentations d’un portrait de groupe et d’un intérieur de la manufacture royale de tapisserie, apparemment d’une simplicité et d’une spontanéité absolues, deviennent par un réseau d’allusions et d’ambiguïtés subtiles, un jeu intellectuel raffiné, une méditation sur le pouvoir merveilleux de l’art, recréateur de réalité et d’illusion. L’œuvre de Velázquez fut hautement appréciée pour ses qualités chromatiques et sa touche ; elle à été considéré comme une anticipation puissante de la sensibilité moderne.

La famille de Philippe IV (Les Ménines), 1656, Diego Velázquez
La famille de Philippe IV (Les Ménines), 1656,
Diego Velázquez (Madrid, Musée du Prado)

Dans l’œuvre la plus célèbre de Velázquez, l’artifice recourent du « tableau dans le tableau » vise à créer des nouveaux espaces à l’intérieur de la peinture et propose des nouveaux sens symboliques et allusifs. Les protagonistes ne sont pas le roi et la reine représentés dans le miroir, plutôt le peintre et son travail, mais aussi le groupe à l’avant-plan. Dans le miroir à l’arrière-plan nous y voyons le couple royal en train de poser; à gauche se tient le peintre courtisan Velázquez en personne, travaillant à une immense toile. L’attention se concentre sur la fillette en robe à paniers, l’infante Marguerite, fille de Philippe IV, âgée de cinq ans, rayonnante de candeur enfantine comme l’on est à son âge, est au centre du tableau. Sans doute venue voir ses parents pendant une séance de pose, elle fait elle-même l’objet du portrait. Marguerite est accompagnée de deux jeunes dames d’honneur (les ménines). Le bouffon de cour Nicolasito pose un pied taquin sur le chien somnolent, tandis que la naine Maribárbola, avec sa silhouette ramassée, fait contrepoids à la frêle infante.

Les Ménines, 1656, Diego Velázquez, détail

Le caractère apparemment informel de ce « portrait de cour » était sans précédent, à plus forte raison sur une toile de ce format (318 x 276 cm). En fait, il ne s’agit pas simplement d’un « portrait », mais d’un commentaire sur le portrait, d’une peinture sur la peinture, cet art qui fixe l’instant pour l’éternité.

Francisco de Zurbarán

Francisco de Zurbarán (Fuente de Cantos 1598 – Madrid 1664) est un artiste d’une grande fascination et l’auteur des images d’une pénétrante force spirituelle. Il exprime à lui seul toutes les exigences du siècle d’or espagnol. Dans sa peinture, il décrit une trajectoire humaine très significative : un précoce début en province, une carrière en ligne ascendante, avec d’importantes et nombreuses commandes, notamment pour des couvents. Appelé à Séville en 1629, par le vote unanime de la municipalité, Zurbarán travailla pour les puissants ordres monastiques de la ville. Il fait preuve d’un grand talent, figurant le sacré à travers de figures isolées et sculpturales, sur des fonds souvent obscurs et neutres, éliminant le dynamisme des gestes en laissant suspendu l’épisode sacré. Il accorde tout son soin aux détails, rendus par des lumières rasantes, avec des effets caravagesques. Il réalise avec la même attention quelques natures mortes d’une forme à la fois puissamment mise en relief et figée par la force de la lumière.

Nature morte, Francisco de Zurbarán
Nature morte avec poterie et tasses, vers 1630, Francisco de Zurbarán,
(Madrid, Musée du Prado)

Grâce à l’utilisation du clair-obscur d’inspiration caravagesque, les objets se détachent clairement du fond obscur. Les matériaux utilisés son reproduits avec une extrême précision.

Sainte Casilde, 1630-1635, Francisco de Zurbarán
Sainte Casilde, 1630-1635,
Francisco de Zurbarán
(Madrid, Musée Thyssen Bornemisza)

L’auteur s’écarte des modes de représentation de l’époque baroque des saints et martyrs pendant le moment le plus intense de l’extase ou pendant le moment le plus cruel du martyre, il préfère peindre ses figures aillées, debout, de profil, comme si elles participaient dans une dévote procession : Casilde s’avance portant avec sa robe somptueuse, les pains qui se sont transformés en fleurs, dévoilant ainsi sa conversion.

La maison de Nazareth, vers 1640, Francisco de Zurbaran
La maison de Nazareth, vers 1640, Francisco de Zurbarán
(Cleveland, Museum of Art)

Marie vêtue d’une robe rouge, couleur qui symbolise son humanité, est représentée dans une attitude absolument naturelle de mère songeant à son fils et qui, plongée dans des telles pensées, délaisse un moment son travail domestique. Jésus observe la blessure qui s’est faite à la main en jouant avec une prémonitoire couronne d’épines. Son geste simple, enfantin, apparaît naturel, relevant de la vie quotidienne. Les natures mortes contribuent à la description de l’ambiance familiale. Elle est aussi pour l’artiste l’occasion de traiter le genre avec soin et précision.

En 1644, Zurbarán séjourna huit mois à Madrid, où grâce à l’appui de Velázquez, il fut chargé de peindre dix toiles représentant les Travaux d’Hercule et deux Batailles pour le palais du Buen Retiro, mais le contact avec la cour eut peu d’influence sur son évolution stylistique. De retour à Séville, il continua à exécuter de nombreuses œuvres pour les églises et les couvents. L’évolution du climat religieux et le prestige croissant de Murillo ralentit quelque peu sa production artistique. Il reçut alors de nombreuses commandes de couvents d’Amérique latine où il reprit les schèmes iconographiques de ses précédentes œuvres.

La défense de Cadix, 1634, Francisco de Zurbarán
La défense de Cadix, 1634, Francisco de Zurbarán
(Madrid, Musée du Prado)

Cette toile représente la scène de bataille dans laquelle les troupes espagnoles repoussent l’attaque anglaise de Lord Wimbledon débarqué à Cadix en 1625. Le fait historique, les personnages et les plans de profondeur rappellent Velázquez. Ce dernier présenta son ami et peintre à la cour au moment où il peignait « La Reddition de Breda ».

La défense de Cadix, 1634, Francisco de Zurbarán, détail

De nombreux détails sont représentés avec un admirable réalisme, comme celui du commandant de champ don Fernando Girón y Ponce de León, obligé de diriger ses troupes assis sur sa chaise à porteurs à cause de la goutte.

Bartolomé Esteban Murillo

Bartolomé Esteban Murillo (Séville 1618-1682) s’est formé dans sa ville natale démontrant très jeune un talent précoce, puisqu’en 1639, il commença son activité indépendante. En 1645-46, il obtint son premier succès important avec les toiles destinées au petit cloître du couvent des Franciscains à Séville. Dans ses premières œuvres il y a des intenses figures d’enfants qui jouent, de jeunes mendiants, des enfants de la rue ; des scènes qui dénotent l’influence des œuvres de Ribera, mais aussi le goût pour l’action, la scène de genre représentée avec une grâce incomparable et les détails descriptifs. Autour de 1655, à la suite d’un voyage à Madrid que lui permit d’étudier les tableaux présents dans les collections royales, sa manière se fit plus délicate et plus « picturale », ses compositions plus complexes et habilement structurées.

La petite vendeuse de fruits, 1670-1675, Murillo
La petite vendeuse de fruits, 1670-1675, Murillo (Munich, Alte Pinakothek)

Cette œuvre se situe entre les premières scènes de genre de Murillo à Séville, avec la représentation de personnages de la vie courante comme les enfants et les vieilles personnes. Il s’agit d’un thème qui permet un regard attentif de la réalité quotidienne et une description naturaliste pas très habituelle dans l’Espagne de l’époque. Ce genre de peinture accroît considérablement la renommée du peintre, à qui lui correspond le mérite d’avoir créé un filon absolument original dans la peinture baroque espagnole.

Jeune fille à la fenêtre, vers 1670, Murillo
Jeune fille à la fenêtre, vers 1670, Murillo (Washington, National Gallery)

Cette représentation réaliste montre une jeune fille qui rit en regardant quelque chose d’amusant qui se passe dans la rue et joui du spectacle confortablement appuyée dans le rebord de la fenêtre, pendant que sa duègne, derrière elle, se couvre le visage en contenant son rire.

Les grands retables et les toiles représentant des histoires bibliques et des scènes de la vie des saints, offrent des images d’une beauté raffinée et idéalisée d’une suggestion immédiate, qui reflètent une sincère dévotion. Ces tableaux furent peints exclusivement pour les églises et les couvents de Séville, où Murillo fonda en 1660 une Académie des beaux-arts. Beaucoup de cycles réalisés par Murillo furent démembrés aux XVIIIe et XIXe siècles et sont actuellement dispersés entre des collections publiques et privés d’Europe et d’Amérique.

La Guérison du paralytique, 1667-1670, Murillo
La Guérison du paralytique, 1667-1670, Murillo
(Londres, National Gallery)

Cette œuvre de maturité du peintre, faisait partie d’un groupe de toiles réalisées pour l’hôpital de la Charité de Séville sur le thème des œuvres de miséricorde. La guérison du paralytique représente l’œuvre de « visite des malades ». La scène principale se situe au premier plan à gauche avec le dialogue entre le paralytique immobilisé dans sa paillasse et Jésus, accompagné des apôtres Pierre, Jean et Jacques. Pour mieux comprendre l’histoire évangélique, dans l’admirable toile de fond formée par la profondeur architectonique des portiques, bondés de malades, Murillo représente un ange dans le ciel qui descend agitant l’eau de la piscine qui guérit à ceux qui s’y submergent.